Estimé à plus de 35 milliards de dollars en 2020, le marché mondial de la fabrication additive, ou impression 3D, fait rêver plus d’un maker et influence fortement les processus de production de certains secteurs d’activité. En effet, si parfois le grand public ne voit qu’un gadget à travers cette technologie, elle est considérée par les professionnels comme une des technologies liées au numérique susceptibles de transformer profondément les modes de production et les modèles économiques actuels. D’ailleurs l’aéronautique ou le médical, en particulier les prothésistes dentaires, ne se sont pas trompés et ont adopté ce nouveau mode de production depuis plus longtemps, rendant ces marchés applicatifs déjà matures.
Mais qu’en est-il de la mode et du textile ? Quand pourrons-nous imprimer directement chez nous nos vêtements au gré de nos envies, de la météo ou de la dernière tendance de mode ?
Aujourd’hui, pour réaliser un vêtement, le nom d’étapes est considérable depuis la matière – filage/filature/moulinage – tissage/tricotage/non-tissé – teinture/ impression/finitions – coupe/confection – et les kilomètres parcourus entre chaque étape sont parfois hallucinants. Entre le temps passé, le cumul des marges et l’impact environnemental, le bilan est lourd. Si passer directement de la matière au produit fini est un rêve qui permettrait de s’affranchir de nombreuses étapes de production, en particulier l’onéreuse confection, permettant ainsi une relocalisation salvatrice d’une partie de la production de vêtements, sa concrétisation n’est pas encore réalisée mais les progrès sont palpables.
En effet, si réaliser directement en volume un produit complexe est le propre de la fabrication additive, la souplesse attendue dans le matériau demeure cependant un verrou de taille. Bien sûr il existe différentes pistes de développement autour de l’électrofilage et de la projection de fibres sur un support prédéfini, comme avec le Britannique Tamicare et son procédé à base de nanofibres de coton-latex, ou feu le Californien Electroloom et ses fibres de polyester-coton. D’autres alternatives ont été investiguées avec le Media Lab du MIT et sa bactérie à géométrie variable rendant le textile perméable à la transpiration ou avec les chercheurs sud-coréens de l’université d’Hallym qui ont réussi à imprimer en 3D de la protéine de soie. Cependant aucun de ces essais n’est aujourd’hui réellement industrialisé. Ce sont les prémices d’une révolution qui a encore besoin de ses chercheurs pour la révéler mais le temps s’accélère et nous ne sommes pas à l’abri d’une découverte qui va bousculer l’ordre établi.
Parallèlement, certains créateurs se sont emparés de la technologie pour inventer de nouvelles formes inspirées des univers de la fiction ou de la magie, des insectes ou autre carapaces. Plus proches du vêtement bijou, ces parures d’un nouveau genre sont magnifiées chez les créatrices hollandaises Iris Van Herpen et Anouck Wipprecht pendant que la styliste israélienne Danit Peleg crée l’émotion en habillant l’athlète Amy Purdy lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Paralympiques de Rio. Mais même si cette interprétation de la fabrication additive renouvelle la vision du vêtement, rares encore sont ceux qui vont porter quotidiennement ces créations.
Les exemples existants sont encore construits avec la dichotomie profonde de la filière Textile-Habillement. En effet, à l’amont, le Textile, secteur riche d’ingénieurs et techniciens, généralement positionné en B to B, s‘est concentré sur la transformation de son process actuel avec la fabrication additive sans pour autant pousser sa réflexion jusqu’à la production d’un produit fini avec intervention de styliste et designer forme, qui ne font pas partie de son univers direct. A l’inverse, l’Habillement, plutôt B to C et donc proche du consommateur, regorge de créatifs qui magnifient les matières dans des formes originales. Mais rares sont ceux qui ont osé remonter jusqu’à la compréhension profonde de la technologie et des possibilités inhérentes à la matière. La fabrication additive est le mariage parfait des deux secteurs offrant une vision globale de la filière, une approche complète depuis la chimie des polymères jusqu’à la conception finale du vêtement.
Cette perspective modifie profondément la composition d’une équipe projet et nécessite, dans les deux cas, l’intégration des compétences manquantes. La fabrication additive oblige la réconciliation des deux branches Textile et Habillement et parfois même, pose la question de la redéfinition de la distribution. En effet, là où la boutique proposait un stock de produits finis, la fabrication additive peut offrir la capacité de réaliser ledit produit sur mesure et sur place, si le positionnement choisi est l’hyper personnalisation. Et de fait, de boutique, vous devenez une microentreprise de conception/production.
La fabrication additive impacte profondément l’ADN d’une marque, intègre d’autres composantes métier et renouvelle le modèle économique. Dans une filière où, traditionnellement, le schisme entre l’amont et l’aval est ancré dans les comportements, la fabrication additive fait l’effet d’une solution salvatrice. En changeant de paradigmes, la filière peut alors gagner en transparence et cohésion, et l’entreprise, outre le fait d’intégrer toutes les marges intermédiaires, grandit dans la maîtrise de sa supply chain et diminue fortement son impact environnemental.
Alors comment la fabrication additive peut-elle servir la filière Textile-Habillement ? C’est certainement plus en regardant le process global qu’on peut imaginer à court terme des gains de productivité avec des solutions novatrices. C’est peut-être du côté de la maintenance des matériels, du remplacement de certaines pièces défectueuses ou simplement introuvables pour certains métiers anciens propres aux procédés rares comme les métiers Readings des mythiques bas à baguette ou le velours au sabre des somptueuses anciennes soieries que se trouve une partie de la solution. Mais si on est à même de produire une pièce de son métier, on est aussi capable de la modifier pour améliorer la productivité ou modifier un aspect ou une propriété mécanique du textile. Le champ des possibles devient alors très ouvert. Une fois le diagnostic posé, la créativité peut s’exprimer pour trouver l’alternative la plus efficace pour transformer la pièce initiale en un objet fonctionnalisé supérieur à l’original et pourquoi pas inventer un nouveau business model autour de ce nouveau couple produit-service ?
Pour déterminer la meilleure utilisation possible de la fabrication additive dans une entreprise, il est indispensable d’avoir une approche globale en étudiant son process industriel et sa supply chain, son marché et ses acteurs, ses clients et leurs besoins. C’est en se posant toutes ces bonnes questions et en mettant en perspective les enjeux stratégiques, que la solution pourra émerger et s’adapter parfaitement à l’évolution de l’entreprise.
C’est cette démarche que Pom3 et OB-Conseil ont construit ensemble en alliant leurs compétences techniques et marketing dans 360 FA. Un regard croisé pour un diagnostic global, un accompagnement personnalisé à la créativité opérationnelle pour l’émergence d’une solution adaptée, une ouverture vers un autre modèle de production pour une transformation maîtrisée.