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  • Valérie CAILLIEZ

Les femmes, ingrédient secret du numérique ?


Les femmes sont les grandes absentes du numérique d’après ce que les chiffres indiquent. Mais que regardent ces chiffres ? Les femmes qui suivent des études dans le numérique, en particulier celles qui apprennent à coder. Le numérique se résumerait-il au code ? Et si les femmes avaient un rôle à jouer légèrement différent ?


A la recherche de la femme numérique


Il y a quelques temps, lors d’une journée spéciale organisée par les ateliers numériques de Google à Saint-Etienne, la question posée était : Numérique, où sont les femmes ?


De nombreux témoignages sont venus corroborer un manque de femmes dans les métiers du numérique. Le chiffre moyen de filles dans les formations liées au numérique avoisine les 15% en France et reste très fragile. D’après la revue Psychological Science, il semblerait d’ailleurs que plus les pays sont développés, moins les femmes se tournent vers les métiers scientifiques.


Selon les Talents du numérique, les femmes représentent un tiers des effectifs du numérique contre 53% de tous les secteurs confondus. Et si on regarde de plus près les profils, elles ne sont plus que 20% à occuper des postes d’ingénieurs, cadres d’études ou de R&D en informatique et 16% sur des fonctions techniques ou de développement informatique. On retrouve bien nos 15% d’étudiantes.


Par ailleurs, les femmes représentent une minorité dans les startups. Tout secteur confondu, le collectif Sista parle de 5% de jeunes pousses créées par des équipes 100% féminines et de 10% pour des équipes mixtes, alors je n’ose même pas imaginer le chiffre infinitésimale de femmes qui créent des startups dans la Tech. Sans oublier que lever des fonds pour des entrepreneures est plus compliqué et moins fructueux que pour les hommes. Le baromètre Sista met en avant le chiffre édifiant de 2% de fonds levés par les femmes depuis 2008. Une obole !


Bien sûr, tout ceci n’est pas très glorieux mais faut-il s’arrêter à ces constats ? Faut-il imaginer que tout est perdu parce que les jeunes femmes ne sont pas motivées par des études pour devenir développeuse informatique ? Faut-il continuer à ostraciser les femmes entrepreneures comme des bêtes rares ?


Le numérique ne se résume pas au code


Oui le code est indispensable pour développer une activité dans le numérique mais faut-il qu’il soit écrit par une femme pour qu’il soit plus féminin ? Le code est binaire, rigoureux et précis, éminemment mathématique.


Les femmes et les mathématiques, c’est une histoire ancienne et tortueuse. Les femmes et le code aussi. Le premier algorithme exécuté par un ordinateur est le fait d’une femme, Ada Lovelace, le premier langage informatique proche d’un langage naturel est le fruit de Grace Hopper. D’ailleurs, jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, les femmes dominent la programmation des ordinateurs. Parmi ces pionnières, les calculatrices de la NASA qui ont réussi, grâce à leurs lignes de code, à dompter les ordinateurs et à envoyer les premiers hommes sur la Lune. Figure emblématique, Katherine Johnson a bravé sa condition de femme noire américaine pour devenir la physicienne et mathématicienne émérite des programmes spatiaux américains.


Les filles sont bien souvent meilleures que les garçons dans leurs études pourtant elles vont plus facilement suivre des études littéraires, sociales, économiques ou artistiques que scientifiques. Indéniablement, elles n’optent pas au départ pour des carrières chiffrées mais plutôt lettrées. Une étude de l’Education Nationale montre que lorsqu’ils se jugent très bons en mathématiques, 8 garçons sur 10 vont en filière scientifique alors que les filles dans la même situation ne choisissent la filière qu’à raison de 6 sur 10. Les stéréotypes ont la peau dure.


Ceci dit, elles occupent tout de même très largement certains métiers liés au monde numérique, comme le community management par exemple, sans oublier les blogueuses, influenceuses, youtubeuses et autres stars des réseaux. Oui, c’est vrai, elles ne sont pas les bras armés du développement derrière les outils, pour autant, elles savent en utiliser toute la substantifique moelle.


Le numérique est un outil, pas une fin en soi. Alors on peut décider de travailler au cahier des charges de l’outil, de fabriquer l’outil ou d’utiliser l’outil. Les femmes auraient tendances à utiliser. Cependant certaines ont décidé de changer la donne, d’afficher leurs résolutions via des applications ou des produits résolument technologiques et numériques. Et ce qu’elles en ont fait offre très souvent un nouveau regard sur le monde.


Les créatrices d’entreprise portent des projets en prise avec la société


Pour accompagner des entrepreneures depuis quelques années, j’ai remarqué que les projets qu’elles portaient n’étaient jamais anodins d’un point de vue social. Que ce soient les fondatrices de startups digitales chez Girls In Tech, les femmes expérimentées de Force Femmes qui décident de créer leur activité ou encore les créatrices engagées dans un textile écoresponsable chez Sew & Laine, toutes portent un soin particulier à marquer la société par le sens qu’elles donnent à leur projet.


Que dire sur des projets aussi riches de sens que la cagnotte en ligne Leetchi portée par Céline Lazorthes ou l’application contre le gaspillage alimentaire Too Good to Go créée par Lucie Basch ? A quoi pensait Sandra Rey quand elle s’est lancée dans l’aventure Glowee, la solution de bioluminescence ? Quel impact souhaitaient apporter Marguerite Dorangeon et Rym Trabelsi à la consommation de vêtements lorsqu’elles ont créé Clear Fashion ?


Elles sont peut-être rares mais pas uniques à créer des entreprises qui embrassent des causes socio-écologiques en s’appuyant sur des outils 100% numériques.


Et si justement ce qui les intéressait, c’était le lien social. Au-delà des stéréotypes et des habitudes, les femmes sont souvent dans la relation à l’autre.


Plus il y a de digital, plus il y a besoin d’humain


Dans un monde hautement dématérialisé et connecté, l’humain est le cœur de sujet. Plus le numérique envahit notre quotidien, plus nous devons porter attention aux humains. La transformation digitale ne se fait qu’avec et pour les humains. Finalement, ce sont rarement les machines qui bloquent alors que l’humain peut tout autant créer une solution extraordinaire que verrouiller un sujet. Dans la grande majorité des cas, les femmes cadres dans les entreprises sont positionnées dans des fonctions de communication, marketing, ressources humaines… c'est certainement réducteur.


L’Index Women Equity étudie depuis plus de 10 ans les Petites et Moyennes Entreprises et les femmes dirigent 15% des PME françaises. C’est bien dommage qu’elles ne soient pas plus nombreuses car elles contribuent à des résultats en moyenne 2,6% supérieurs à ceux d’entreprises dirigées par des hommes.


Pourquoi les femmes seraient de meilleurs dirigeants ? Une étude récente sur le leadership réalisée par Zenger Folkman, montre que sur les 16 caractéristiques qui définissent un leader, les femmes dominent 12 d’entre elles dont les 5 plus utiles dans un monde en quête de sens :

  • La communication, compétence déterminante dans le management d’équipe et la relation client. La femme écoute mieux et serait plus orientée vers le dialogue quand l’homme préfère la décision.

  • La construction de communauté, indispensable pour fédérer les collaborateurs et les clients. Moins autoritaire, plus ouverte au consensus, la femme arrive mieux à créer les conditions d’une collaboration pérenne

  • L’éthique dans les affaires et la reconnaissance des droits des autres qui procurent un sentiment d’équité et contribuent à la confiance.

  • La patience, mère de toutes les vertus. Plus enclines à avancer doucement mais sûrement vers un but lointain, les femmes sont prêtes à attendre pour arriver à leur but.

  • La passion et la façon de l’insuffler à l’équipe. Les femmes parviennent plus facilement à motiver, captiver, passionner leurs équipes et à les engager dans l’aventure.


Fort de ces constats, il semble dommageable que les femmes ne soient pas plus valorisées dans le monde de la Tech où elles pourraient apporter leurs forces pour concourir à une transformation digitale sereine. Les femmes sont l’ingrédient secret d’une filière qui a besoin de leurs qualités pour assurer le lien humain indispensable à la déshumanisation apportée par la machine.


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